Histoire - Ozabor Photo
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Histoire
Une histoire
L'image, en tant que support de communication, est née de nos lointains ancêtres, qui ornaient de scènes de chasse les murs de leur caverne. Etait-ce dans un but pédagogique, esthétique ou simplement une façon de laisser la trace d'un événement ? Peut-être les trois à la fois. La photographie que nous connaissons aujourd'hui est née au XIXe siècle, période de grands changements et de progrès techniques, c'est LE siècle industriel. Mais si cette invention a connu un destin exceptionnel, son origine (ce qui a permis de la concrétiser un jour de 1839) est beaucoup plus ancienne.
1 - L'origine
Vers 300 avant J-C, Aristote, scientifique "multicartes", grand philosophe et passionné d'astronomie, a trouvé un bon moyen d'observer les éclipses solaires : il choisit un des murs dans une pièce entièrement plongée dans l'obscurité et il y perce un trou.
Passant par cet orifice (sténopé, petit œil en grec), la lumière est projetée sur le mur qui lui fait face. Une image se forme, inversée totalement, mais assez lumineuse et nette, permettant d'observer le phénomène dans toute sa durée.
Dans les années 1020, Alhazen, mathématicien arabe, va s'intéresser à la vision. Il va comprendre le cheminement de l'image et décrire les fonctions de l'œil (la pupille, la rétine), du nerf optique et la transmission au cerveau.
Vers 1515, Léonard de Vinci décrit précisément les propriétés de l'objet qui permet de capter une image : la camera obscura. En 1540, Jérôme Cardan va y ajouter une lentille et Daniel Barbaro en 1568 mettra au point le diaphragme.
Au XVIIe siècle, les peintres utilisent la chambre noire et la chambre claire pour représenter fidèlement les perspectives. Vermeer est le plus célèbre d'entre eux.
John Herschel n'a pas laissé son nom dans tous les esprits, il a pourtant inventé le mot "Photographie" en 1819. Il trouvera également les propriétés de l'hyposulfite de sodium (fixateur) et définira la fonction du négatif. Ces découvertes bénéficieront à d'autres, plus tard.
2 - La première photographie
Nous sommes en 1826, l'image apparaît de mieux en mieux sur les camera obscura, mais il est toujours impossible de la fixer, d'en garder une trace sur un support.
Nicéphore Niepce, après de nombreux essais, va réussir à imprimer de façon permanente une plaque d’étain recouverte de bitume de Judée. C'est "Point de vue du Gras", la première photo figée, simplement prise depuis sa fenêtre. Il nommera cette technique héliogravure (à la lumière du soleil). Le temps d'exposition est estimé à une journée entière.
Quelques années plus tard, Louis Daguerre (en collaboration avec N. Niepce) présente son invention, le Daguerréotype, à l'Académie des Sciences (photo sur plaque de zinc). Celle-ci en fait don au monde en 1839 et rend officielle la découverte du procédé.
La peinture va subir un tournant très important. En effet, la photo la privant dès lors des tâches pour lesquelles elle excellait (portrait, paysage, nature morte), les peintres ont très mal vécu son arrivée. Créant une crise existentielle, les réactions n'ont pas tardé et les nouveaux styles ont chassé les précédents, devenus trop académiques. L'impressionnisme amorcera cette mutation avec Monet, Pissarro, Renoir, Manet, Degas... C'est le début de l'art moderne.
3 - Le premier négatif
De son côté, William Henry Fox Talbot travaille sur papier. En 1841, il imprime des images issues d'un négatif, lui-même sur du papier rendu transparent avec de l'huile (ou du vernis). Ce procédé permet de dupliquer les clichés, c'est le calotype (il lui permettra de réaliser en 1844 le premier livre illustré de photographies, The Pencil of nature).
En 1847, Abel Niepce de Saint-Victor utilisera la plaque de verre albuminée (1er négatif gélatine sur verre).
Frederick Scott Archer met au point une autre substance sensible à la lumière : le collodion humide (nitrate de cellulose et nitrate d'argent) en 1851, sur plaque de verre. Ce procédé, même s'il est complexe d'utilisation, perdurera une trentaine d'années.
Adolphe-Alexandre Martin créera en 1853 le Ferrotype (positif). Il aura beaucoup de succès dans les foires car il permettait de se faire "tirer le portrait" à moindre coût.
4 - Démocratisation
La photo commence à trouver son public. La Société Française de Photographie est créée en 1854 dans un but de diffusion du savoir (cours, conférences, expositions), mais sa pratique reste encore réservée aux plus fortunés.
1854. Nous sommes en pleine explosion industrielle et Eugène Disdéri modifie l'objectif de sa chambre noire pour permettre de produire ses portraits-cartes. Il est de bon ton de laisser ceux-ci en guise de carte de visite. Une quantité importante sera produite par beaucoup de photographes.
1855. Louis Alphonse Poitevin finalise le tirage au charbon. Ce procédé permet de disposer pour un coût abordable de portraits ou de paysages.
La gomme bichromatée, technique pigmentaire, est une discipline que certains peintres vont adopter. Croisement entre la peinture et la photo, cette méthode permet de travailler une image en créant des effets esthétiques nouveaux. Elle sera utilisée par les peintres pictorialistes.
Gaspard-Félix Tournachon (d'abord caricaturiste puis photographe) est un personnage attachant. Entre 1850 et 1860, Nadar, c'est son surnom, va réaliser les plus beaux portraits de personnalités dans son atelier de la rue Saint-Lazare à Paris. Il nous permettra d’admirer aujourd'hui les visages des plus illustres personnalités issues notamment du spectacle, de la musique, de la littérature : Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Sarah Bernhardt, Jean-Baptiste Corot, Hector Berlioz, George Sand, Jules Verne… Il bénéficie de l'admiration de tous et tout le monde veut se faire photographier par lui car, travaillant beaucoup la pose, il essaie de faire ressortir le caractère de son modèle. C'est aussi un inventeur fou, un visionnaire et un aventurier : il améliore la technique du flash au magnésium lors de la série dans les catacombes et les égouts de Paris, il expérimente la prise de vue aérienne (en ballon) et accompagnera à la fin de sa vie son fils journaliste pour réaliser les premiers portraits pris lors des interviews.
Eadweard Muybridge, victime d’un accident de diligence, étudiera la photo durant sa convalescence. Pour confirmer la théorie d'Etienne-Jules Marey (médecin physiologiste et photographe) selon laquelle un cheval au galop est en suspension totale durant un temps donné, il imagine un parcours jalonné de 24 appareils photos dont les déclencheurs sont commandés par des fils qui se brisent au passage du cheval. Le résultat est saisissant et la preuve est faite en ce 18 juin 1878 devant la presse (le Galop de Daisy). Cependant, il est pris pour un usurpateur. C'est la rupture d’une sangle lors d’une ruade durant une prise de vue qui permettra de le réhabiliter (la sangle fut expertisée et comparée aux clichés). Pour lui permettre d'utiliser des temps de poses très courts (1/200e de seconde), Muybridge va trouver comment doper son collodion humide et fabriquer des obturateurs électriques.
5 - Naissance de la pellicule
Richard Leach Maddox, en 1880 inventera le gélatino-bromure d'argent sur verre. Le procédé sera largement popularisé, résolvant les problèmes du collodion : temps de préparation, durée d'utilisation, sensibilité élevée.
George Eastmann, dès 1888, proposera le 1er appareil photo grand public. En 1901, il lance le Brown 2 à 1 dollar : c'est un succès commercial qui va lui permettre de vendre ses pellicules.
Il ne manque que la couleur ! La théorie est découverte depuis 1869 mais le procédé permettant d'enregistrer les couleurs ne sera inventé par les frères Lumière qu'en 1904 : c'est l'autochrome, procédé à base de colorants et de fécule de pomme de terre.
Entre 1934 et 1960, George Eastmann commercialisera le négatif en acétate de cellulose : Safety film (non-inflammable). Basé sur le format de la pellicule cinéma (35 mm), c'est encore un succès planétaire.
En 1834, Karl Zeiss, fils de fabricant de jouets, s'installe à Iena (ex Allemagne de l'Est) après sa formation en mécanique et optique. Il fabriquera des microscopes, des lunettes, des boussoles. Associé à Ernst Abbe, mathématicien, ils vont mettre au point des optiques quasiment parfaites. Mais Karl Zeiss ne connaîtra jamais le succès des objectifs photo qui portent son nom, il mourra trop tôt en 1888. Le fondeur Otto Schott et le docteur Rudolph ont rejoint la firme. Le trio va produire des objectifs qui resteront mythiques : le Planar et le Tessar sont reconnus comme références en termes de qualité.
En 1909, le Français Étienne Mollier utilise le film cinématographique 35 mm dans son appareil photo, le Cent-Vues, qui prenait d'affilée cent vues 18/24 mm. L’appareil pouvait également servir de projecteur d’images positives, d’agrandisseur. Le Cent-Vues fut fabriqué en 1910, obtint la Médaille d'or du Concours Lépine et fut commercialisé sans grand succès. L'exploitation du Cent-Vues fut interrompue par manque de moyens, puis à cause de la Première Guerre mondiale.
En 1913, Oskar Barnack crée le premier 24x36 : le Ur-Leica. L'appareil photo est un petit bijou : il est surtout léger, compact, car son créateur est asthmatique et ne pouvait continuer à transporter un système d'une dizaine de kilos.
Albert Einstein est aussi de la partie. Dans ses recherches scientifiques, il découvrira et nommera la particule de lumière en 1921 (le photon) et recevra le prix Nobel de physique.
Une invention va particulièrement marquer le monde de la photo avec un procédé de développement instantané : le polaroïd. Le Dr Edwin H. Land inventera la première version monochrome en 1948 puis la version couleur en 1963.
1936 Commercialisation des pellicules diapositives couleur Agfacolor et Kodachrome.
1963 Revoilà Kodak avec son Instamatic 50, premier appareil photo couleur grand public. Encore un succès commercial. Il proposera un service de développement compris dans le prix de la pellicule "Appuyez sur le bouton, Kodak s'occupe du reste", réitérée avec le film réversible (diapositives).
6 - L'ère du numérique
L'électronique fait son apparition. Avec l'invention du transistor en 1947 puis de l'informatique, la photo va bénéficier des découvertes successives qui déboucheront dans les années 2000 à la photo numérique professionnelle, puis grand public.
En 1969, Willard S. Boyle et George Smith (tous deux employés chez Bell) inventent le capteur CCD. Il a fait ses débuts sur les APN et les caméras vidéos, il est aujourd'hui présent uniquement sur les appareils bas de gamme.
1976, Bryce Bayer, ingénieur chez Kodak, invente le filtre Bayer, présent aujourd'hui sur tous les capteurs numériques. La matrice aux trois primaires permet aux APN de percevoir la couleur (les capteurs seuls ne sont sensibles qu'à l'intensité de la lumière), à l'exception du capteur Fovéon qui utilise une technologie en couches.
1995 Sortie commerciale du capteur CMOS APS (invention en 1960). Il reste le type de capteur le plus utilisé en photo aujourd'hui.
Une petite trentaine d'année ont suffit pour mettre au point la nouvelle technologie numérique :
1975 Steven Sasson, prototype du premier APN (Kodak)
1982 Sony, premier APN (prototype MAVICA en 1981)
1999 Nikon D1, premier reflex numérique professionnel
2003 Canon EOS 300D, premier reflex numérique grand public
7 - Et demain ?
L'avènement du numérique a été fatal à Kodak qui n'a pas su évoluer au bon moment. Avec la miniaturisation, l'augmentation de la définition des capteurs, leur sensibilité, leur présence sur les téléphones, les appareils photos tels qu'on les connaît aujourd'hui perdureront-ils ? Pour l'instant, le stockage de milliards de photos reste un problème récurrent. Nous sommes loin de l'homme des cavernes, dont les images ont été produites certes avec des moyens simples, mais qui ont été parfaitement conservées durant... plus de 30.000 ans !
Remarque : Il a fallu faire une sélection parmi les personnages de cette histoire, beaucoup n'ont pas été cités comme les photographes (Riis, Fenton, Stieglitz, Atget, Arnaudin...) qui ont donné un rôle informatif et social à l'image, les astronomes (qui ont fait avancer l'optique bien avant la photo), les chimistes et bien sûr les artistes qui ont contribué à faire que cette découverte technique devienne un art.
8 - Pour aller plus loin (& sources)
Réponses photo n°210, n°219
Chasseur d'images n°334
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